Saint-Pons-de-Thomières et le Pays Saint-Ponais
Histoire et patrimoine de l'ouest du département de l'Hérault

La prise de Saint-Pons-de-Thomières en 1567

Le 1er octobre 1567, les troupes huguenotes commandées par Sébastien de Genibrouze, vicomte de Saint-Amans, se présentent devant les remparts de Saint-Pons et parviennent à pénétrer dans la ville, grâce à des complicités peut-être issues de la petite communauté réformée protestante sévèrement réprimée cinq ans plus tôt. Les Protestants se seraient ensuite introduits dans l'enceinte du monastère par la petite porte dite portanelle. Durant l'occupation de la ville, ils commettent de nombreuses exactions contre les bâtiments religieux, et assassinent au moins trois eccclésiastiques.

Le monastère de Bénédictines Sainte-Madeleine, situé hors des murs, est détruit et ne se relèvera pas. L'église paroissiale Saint-Martin-du-Jaur est gravement endommagée, et son vicaire Roland Paris est assassiné.


La portanelle et la tour Saint-Benoit

La maison épiscopale, les bâtiments monastiques, notamment les dortoirs, la maison des hôtes, le cellier, sont en partie détruits, ainsi que le cloître roman.
Une partie de la cathédrale est ruinée: selon l'érudit Joseph Sahuc, le mur méridional et les deux tours qui l'encadrent (le long de la Grande Rue actuelle), adossés au cloître, auraient été entraînés par sa destruction.


L'enclos monastique avec la cathédrale, le cloitre et les bâtiments des religieux avant 1567

Le choeur gothique de l'église, en construction depuis plus d'un siècle, est en partie démoli, mais pas entièrement puisqu'en 1670, l'évêque Mgr de Percin de Montgaillard déclare que "les restes de l'ancien choeur sont encore sur pied, qu'il n'en reste pas un cinquième à bâtir pour rétablir son ancienne beauté" (jamais restauré, d'abord utilisé comme carrière de pierre, ses ruines sont rasées vers 1720 pour construire la façade actuelle de la cathédrale).
Les ornements et les reliques de l'église abbatiale sont pillés, tout comme la riche bibliothèque, dont tous les ouvrages disparaissent, ainsi que les archives du monastère.

cathedrale de saint-pons
Mur sud de la cathédrale (le long de la Grande Rue), reconstruit après 1567

L'occupation de Saint-Pons dure près de dix mois; une partie de la population a sans doute fuit la ville, comme le rappelle le lieu nommé lou parre des catoulits, près de Courniou. Durant cette période, les troupes protestantes pillent et saccagent les biens des églises et des ordres religieux dans une partie du diocèse, comme à Saint-Chinian et à l' abbaye de Fontcaude.

La ruine des bâtiments claustraux et la démolition d'une partie de l'église amène l'anéantissement de la vie monastique. Dans les décennies suivantes, les chanoines bénédictins ne suivent plus la règle de Saint-Benoit et vivent dispersés dans la ville. En 1615, le chapitre est officiellement sécularisé par une bulle papale, mettant fin à près de sept siècles de présence monacale à Saint-Pons. La restauration de la cathédrale est grossièrement et lentement terminée, ce qui permet la célébration d'une première messe en 1619, soit presque cinquante ans après les destructions.

Dans une enquête de 1572, les notables de la ville ont témoigné des exactions et des destructions des troupes protestantes survenues cinq ans plus tôt, comme le fait Jean de Brugairoux, fils du coseigneur de Pardailhan, ci-dessous.

"Du sixième jour du moys de février, l'an mil cinq cents septante deux.
Jean de Bonnafous, escuyer, sieur de Bourgueyrous, habitant de Saint-Pons, enigé de trente ans ou environ, tesmoings adjourné comme les precedans et ouy moiennant serment.

A dict qu'en l'année mil cinq cens soixante sept et au moys d'octobre, ceux de la prethendue religion novelle se saysirent de l'église et maison épiscopale dudit Saint-Pons et l'occuparent dix moys; bruslarent les papiers et livres du monastère; prindrent les capes, ornements, joyeaux, croix, rellicques, chandelliers, encensiers d'argent de grande valleur, qu'il avoit auparavant veuz audit monastère en procession; tout le meuble et provisions dudit monastère; tuarent le recteur de l'église parrochielle, aultres prebstre et quelques religieux, et en gardarent la plus part des prisonniers quy ransonnarent à douze cens escus fornys par emprunt par Cartolle et Salebielhe; lequel Salebielhe pour estre satisfaict tient et percoyt les dixmes et tasques du bled de la paroisse dud Saint-Pons appartenant audit monastère.

Et non constans ceux de la dite relligion nouvelle d'avoir murdry, pilhé, bruslé et ransonné comme dessus, ont arrazé lesdits monastère et église d'icelluy, maison épiscopalle, église parrochelle et couvent des nonains; ...

Pareillement a esté fait par ceux de la dite religion tant aux relligieux que prebstres des monastères de Saint-Chinian qu'ils ont murdris et captivés, pilhé ledit monastère et esglise parrochielle, et après, le tout arrazé.
En l'abbaye de Fontcaude aussi tout pilhé, faict prisonnier l'abbé et bruslé l'abbaye.
Et aux autres églises parrochelles et maisons presbyteralles du dit diocèze ont faict le semblable; et le tout arrazé tellement qu'il n'y a église en tout ledit diocèze qui n'aye esté mis à bas, excepté quatre ou cinq.

De tout ce dessus dict savoir comme est notoire, et l'avoir veu, et se peult encores voyr la ruyne, qu'est la cause que la plus grande part du diocèze ont reffuzé payer le dixme, prenant occasion de ce que n'y a poinct d'eglise.

Et plus n'a dict, repeté, a percévéré, et c'est signé.
Brugueyrous

Enquête sur la prise de la ville de Saint-Pons-de-Thomières (1567), Joseph Sahuc, 1909


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