PIQUEURS.
L'état de la vénerie [royale] est de cinq piqueurs;
le premier & le plus ancien est chargé du soin & du détail de la meute;
les quatre autres sont pour aller aux bois
& piquer à la queue des chiens, les bien connoître, pour en distinguer la sagesse, la bonté & la vigueur, afin de les
remarquer & avoir de la confiance dans les occasions aux plus sages.
Louis XV et ses officiers de Vénerie
Il faut, pour être bon piqueur, avoir passé les grades du service de la vénerie, pour en connoître les détails, avoir
été au bois avec un bon maître pendant deux ans, cela ne feroit qu'une perfection de plus pour l'écolier.
Toutes les saisons sont différentes pour le travail du bois; il faut les avoir suivies avec attention & goût;
à vingt &
vingt - cinq ans est l'âge pour les faire monter à ce grade, pour en tirer du service; il le faut choisir dans les
élèves,
qu'il aime la chasse par goût & non par intérêt, ou pour avancer; qu'il soit d'une bonne santé, vigoureux, ne craignant
ni le froid ni le chaud, ni la pluie, neige, gelée, que tout lui soit égal; qu'il ne craigne point de percer les enceintes,
fourées ou non, à la queue de ses chiens, ni de franchir un fossé; il faut qu'un bon piqueur soit collé, pour ainsi dire,
à ses chiens, pour les remarquer manoeuvrer, & savoir quand il arrive du désordre par le change ou par la sécheresse,
afin de leur aider dans ces occasions; connoître les chiens timides dans le change, les chiens sages & hardis,
& ceux en qui l'on n'a point encore de confiance, afin de savoir à quoi s'en tenir, & prendre son parti suivant les
occurences; savoir retourner à propos & prendre garde de le faire trop promptement dans les secheresses au bord d'une
route ou chemin, ou si des cavaliers auroient passé dans l'un ou l'autre, pour lors les chiens peuvent demeurer court, &
le cerf s'en aller: choses à prendre garde dans une pareille incertitude, les uns retournent dans les voyes, les autres
prennent avec des bons chiens au-dessus & au dessous.
Levrettes de la meute de Louis XV
Il faut pareillement qu'il s'applique à connoître son cerf par la
tête, si elle est brune, blonde ou rousse; si elle est ouverte, rouée ou serrée; si le pelage est brun, blond ou fauve;
si c'est un pié long ou rond, creux ou paré, les pinces grosses ou menues, la jambe large ou étroite, haut ou bas jointe,
les os gros ou menus; de même la figure du pié de derriere, s'il y a quelque remarque à y faire, en revoir avec attention
sur le terrein ferme, comme dans le terrein mol ou sableux, ce qui fait un changement au revoir.
D'après toutes ces observations, le piqueur se distinguera dans tous les momens de la chasse, & fera peu de fautes:
il faut prendre garde que le trop d'ardeur ne l'entraîne pour se faire voir un des premiers aux chiens, sans se donner
la peine de mettre l'oeil à terre de crainte que cela ne l'arriere; il arrivera du change, les chiens se sépareront,
il tournera à une partie, il reverra d'un cerf devant eux sans savoir si c'est le cerf de meute, il est longtems à se
décider s'il rompra ou appuyera, cela le met dans l'embarras, & connoissant son cerf, il appuye ou arrête.
La meute de Louis XV
S'il peut avoir une bonne voix & une belle trompe, cela fait un ornement de plus à la chasse.
Il faut qu'il soit sage sur le vin & le reste; un veneur qui s'est trop adonné à l'un ou à l'autre vice, fait mal son
service, il se trouve assommé par la débauche, & ne peut pas les jours de chasse remplir le service du bois où il va pour
y dormir au coin d'une enceinte, & sa quête se fait tout d'un somme; & à la chasse il est mou, fatigué, & ne remplit point
les devoirs de sa place, pour lors il y faut mettre ordre;
il y a toujours une intervalle de trois jours d'une chasse à l'autre, c'est assez pour se reposer & réparer la fatigue de
chaque chasse.
Louis XV tient en laisse un limier
Les piqueurs ont cinq chevaux chacun à la chasse, ainsi que les commandans & gentilshommes;
le premier est pour attaquer de meute, le second à la vieille meute, le troisieme à la seconde, le quatrieme aux six
chiens, & le cinquieme au relais volant, où il n'y a que des chevaux & point de chiens.
Le premier piqueur n'a que deux chevaux pour accompagner l'équipage au rendez - vous, & aux brisées où l'on attaque,
& se promener; il n'est tenu d'aucun autre service que de se trouver, s'il peut, à la fin de la chasse pour ramener
les chiens au logis: il a de plus que les autres 300 livres pour le soin des chiens, 300 livres pour les têtes des cerfs
qui lui appartenoient, que le roi prend; il est chauffé & éclairé toute l'année.
L'habillement des piqueurs ne differe des premiers [commandants et gentilshommes] que par les bordées, boutons,
boutonnieres, galons sur les coutures,
bord de chapeau, le bordé, & boutonniere de la veste qui sont d'argent, & aux premiers ils sont or;
les grands galons sont les mêmes; ceinturon & couteau de chasse de même, paremens & collet de velours, la même position
des galons pareille; on leur donne une trompe à l'habillement comme à tous ceux qui en doivent avoir.
L'habit est bleu, doublé de rouge, paremens de de velours, & collet de même; veste & culotte écarlate, l'habit bordé,
boutons & boutonniere d'argent, un grand galon or & argent travaillé ensemble, l'or dans le milieu, & les deux bandes
chaque côté, large de plus de deux pouces; un de ces grands galons est posé à côté des boutonnieres, à chaque côté du
haut en bas; deux de ces grands galons sur le velours de chaque manche, un en bande, l'autre en pointe, & forme deux
petits fers à cheval dessus & en dedans, & une bande de ce grand galon qui prend sous le premier galon qui couvre toute
la couture du parement, & rentre en-dedans la manche; il y a de même dessous un même galon qui fait le même effet, la poche
est bordée d'un petit galon, & un grand qui couvre presque la poche, qui est en grande patte longue; un autre grand galon
qui est posé sur la poche au - dessous de la patte, remonte aux hanches, est plié de façon qu'il forme une pointe qui
gagne la fourche de l'habit par derriere, où il y a encore un autre grand galon de chaque côté de ladite fourche croisé
par en haut, qui gagne les deux pointes du galon qui remonte de la poche, le tout lié ensemble; en outre il y a deux
bordés dans les plis, & deux grands galons chaque côté; sur toutes les coutures un galon d'argent large de deux pouces.
Le ceinturon est couvert du même grand galon or & argent; le bord de chapeau, le bourdaloue, bouton & ganse est
pareillement donné. Les habits complets tels qu'ils sont dits, se montent à près de 700 livres: ceux du grand-veneur &
commandant, &c. passent au-dessus à cause de l'or.
Le roi Louis XV à la chasse
Appointemens des piqueurs. Ils ont chacun 1 100 liv. sur l'état des appointemens de la vénerie; ils sont payés, ainsi que
tous ceux qui sont sur l'état de la vénerie, tous les mois; ils ont ensuite chacun une pension sur le trésor;
il y en a de plus fortes les unes que les autres, depuis 300 liv. jusqu'à 480; il n'y en a point eû de 500 liv.
S. M. donne à la S. Hubert à chaque piqueur 200 livres; hors Versailles ils ont 10 sols par jour: le roi leur
donne des pensions & gratifications sur sa cassette, aux uns plus, & les autres moins.
Article de M. Vinfrais l'aîné, de la Vénerie du Roi
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