Définissons le moule, c'est un appareil ayant la forme de l'objet que l'on désire fabriquer : le verrier après
avoir apprêté son verre sur le marbre, souffle un peu dans la paraison pour lui donner la grosseur appropriée et
ensuite il l'introduit dans le moule pour en terminer la fabrication, en donnant le soufflage maximum.
L'opération de souffler la paraison sur le marbre
Il faut distinguer le moule à charnière d'origine plus récente qui permet la fabrication des objets moulés, et
le moule fixe présentant seulement la forme cylindrique sans aucune ouverture latérale ;
Le moine Théophile dans son ouvrage "Diversarum artium schedula" cite les moules en bois et en fer dès le 9ème siècle.
Les moules en bois étaient forts peu durables aussi, de bonne heure, on leur substitua les moules de métal ou
de terre réfractaire.
Ces moules étaient des cylindres légèrement évasés vers le haut, ouverts des deux bouts. On les plaçait sur un fond
bien plan et l'ouvrier finissait sa bouteille ou son flacon en imprimant un mouvement de rotation à sa canne, en
la faisant rouler verticalement entre ses mains. Ce mouvement était facilité par l'introduction de petites pailles entre
le moule et la paraison , ces petites pailles en brûlant adoucissaient le mouvement de rotation
[paraison = masse de verre pateux].
L'opération de souffler la bouteille dans le moule
A l'exposition de Toulouse de 1924, dans une vitrine, nous avons exposé plusieurs de ces fioles de pharmacien faites au moule en terre : elles étaient tournées, le fond était remonté par l'ouvrier, et la bague consistait en un cordon de verre rapporté à l'extrémité du col.
Les moules en terre réfractaire étaient constitués par des cylindres de terre ayant, suivant leur capacité de 4 à 7
centimètres d'épaisseur. Ils étaient renforcés par des cercles de feuillard réunis par des bandes latérales.
Leur usage est actuellement fort rare, sauf pour de grosses pièces cylindriques rarement demandées.
Les bouteilles se faisaient de la même façon que les fioles, en les tournant dans un moule de contenance appropriée. Le fond était remonté par les fers du souffleur : une bouteille piquée à la main se reconnaît à ce que la piqûre est plus arrondie et moins régulière qu'avec une pédale.
Dans les décombres de la verrerie de Moussans et de la verrerie de Crouzet, nous avons retrouvé des bouteilles fabriquées de cette façon. Le verre était d'un noir jaunâtre, d'une fort jolie couleur.
Mon grand-père paternel Gustave de Riols de Fonclare, fut dans son temps, un des meilleurs souffleurs
de bouteilles faites de cette façon.
Les goulots des bouteilles à pêche, des gobe-mouches, des bouteilles ordinaires se faisaient au moyen d'un cordon de verre rapporté, sur le goulot à hauteur convenable et façonné aux fers.
Les goulots des petites bouteilles et surtout des fioles de pharmacie étaient réchauffés à l'ouvreau et au moyen
d'une paire de fers approprié, le verre de l'extrémité était refoulé pour former une bague. Ce procédé de formation
de la bague est plus récent que celui que nous avons décrit précédemment.
L'opération de former le goulot de la bouteille
Mais au début ces fers étaient à bague fixe qui devait servir à une grande variété de flacons. Parmi l'ancien outillage venant des verreries de Moussans, nous avons retrouvé ces fers primitifs : c'est une bande de feuillard épais, doublée en épingle de cheveux, les extrémités sont aplaties et elles présentent une ou deux encoches plus ou moins larges qui s'imprimeront en relief dans le verre du goulot, après avoir réchauffé celui-ci. Une barre médiane se trouve entre les deux bandes; au moment de la fabrication, elle est introduite à l'intérieur du goulot et l'ouvrier en serrant les branches contre ce mandrin et en imprimant simultanément à la bouteille un mouvement de rotation termine la bague.
Un progrès sensible fut de rendre la mandrin central amovible, ainsi que les coussinets portant les bagues incrustées.
Le procédé des bagues faites aux fers n'eut lieu qu'avec une division du travail extrêmement poussée
alors se différencie l'ouvreur du souffleur.
Au contraire, le procédé du cordon rapporté existe quand le même ouvrier souffle, pique et termine
lui-même sa bouteille.
Une fois certains objets soufflés (pourrons, burette, servantines, conserves), le gros du travail est fait, mais il est
nécessaire de les réchauffer au four avant de faire d'autres travaux accessoires : formation du tutel pour les servantines; des goulots pour les bouteilles; des cordons pour les conserves; pose de l'anse et du broc; quelquefois du pied pour les burettes; pose du bronson pour les pourrons.
Cette nouvelle opération peut se faire au pontil ou au sabot.
L'opération de réchauffer l'objet au four
Par leurs formes, les pourrons, les burettes ne se prêtent pas pratiquement à l'emploi du sabot, et pour cette fabrication, le pontil est nécessaire.
Le pontil est un bout de verre conique qui termine l'extrémité d'une légère barre de fer. L'apprenti chargé de ce travail chauffe très légèrement le pontil, en le sablant ou non, et il l'applique contre le fond du pourron ou de la burette. Le fond étant légèrement piqué, le pontil ne se colle que sur la périphérie. Quand l'ouvreur a posé anse et bronson, par un coup sec frappé sur la tige de fer, l'objet se détache aisément, sans cassure. Le pontil a l'avantage de ne pas nécessiter un outillage compliqué, et il ne glace pas la marchandise, il permet aussi de la rentrer davantage à l'intérieur du four à rebrûler.
Pour certaines pièces, l'ouvrier peut aussi "apontiller" directement sur le mors de la canne qui a servi à souffler les dites pièces.
On peut affirmer, avec preuves à l'appui que, jusqu'au début du 19ème siècle, les divers objets fabriqués
aux verreries de Moussans, sont en majeure partie soufflés et terminés à la main, sans l'aide d'aucun moule.
Sur des planches photographiques, nous avons rassemblé la plupart des objets intacts fabriqués aux verreries de Moussans :
1) Signalons les burettes à huile avec bec et anse recourbés, ayant la forme générale des amphores,
communément appelées dans le pays "olivières". Les unes ont le pied étranglé aux fers, ce sont les burettes dites
de Moussans. Les autres ont le bec et l'anse plus rectilignes et le pied est rapporté, ce sont les burettes dites de
Pointis.
Différentes burettes
2) Chacun connaît les bouteilles à pêche, sortes de nasses, et les bouteilles à mouches, soit de forme
ronde ou de forme droite, nous n'insisterons pas.
3) Les pourrons sont des récipients de diverses formes munis d'un bronson, permettant de boire à la régalade. Les uns
ont le corps cylindrique, ce sont les pourrons bouteilles. Les autres ont le corps arrondi et ils sont de couleur
vert-clair, ce sont les pourrons ronds de Carcassonne. La forme de pourrons Ariège est conique et la couleur du verre
est blanche.
Pourrrons fabriqués à Moussans
Remarquons que la forme ronde se faisait surtout dans la région Moussanaise, tandis que la forme conique se fabriquait au début dans les verreries de l'Ariège .
La forme du pourron catalan est tronc conique légèrement applatie sur les faces, le col est droit avec l'ouverture étalée, le bec a une forme absolument conique. Cette forme se vendait principalement dans le Roussillon, avec le bec fermé.
4) Les bouteilles de bât sont des récipients de 5 à 10 litres, aplaties sur une face, avec le col renflé
pour permettre de les fixer une de chaque côté d'un bât. A l'époque où les routes étaient rares et souvent
impraticables aux véhicules, ces bouteilles servaient au ravitaillement en vin et alcool des populations montagnardes.
Verres fabriqués à Moussans (16ème et 17ème siècles ?)
5) Les bouteilles à lait d'ânesse sont des récipients au col largement ouvert permettant l'introduction
de la mamelle de l'animal pendant la traite.
6) Signalons une pièce au nom évocateur, la "canto plouro" ou tire-lait permettant à une maman de se tirer
le lait en excès. C'est une sorte de tube recourbé permettant l'aspiration individuelle tandis que la partie opposée qui
s'applique sur le sein à un renflement permettant l'accumulation d'un peu de lait.
Le calel est le 2ème objet à partir de la droite
7) Les calels étaient formés d'un pied de chandelier terminé par une boule représentant une ouverture par laquelle on introduisait l'huile où trempait une mèche servant à éclairer les logis pendant les longues soirées d'hiver
Il nous faut nous occuper maintenant des conditions de vente des dits objets.
" Francis de Riols de Fonclare |