Après les destructions provoquées par les guerres de Religion
du XVIe
siècle, en dépit de nombreuses réparations provisoires ou
partielles, les bâtiments de la cathédrale se trouvaient en très
mauvais état au début du XVIIIe
siècle. Il fallait envisager une
complète transformation de l'édifice avec une réorientation du
chœur vers l'ouest et la construction d'une partie de l'abside et de la
façade donnant sur la place actuelle
Trois ans après la mort de Mgr Pierre de Montgaillard, qui avait
poussé à la réédification, le notaire et secrétaire du chapitre
enregistre l'acte du prix fait en présence de l'évêque Jean Louis
Bertons de Crillon et de l'archidiacre Charles Percin de
Montgaillard. Le 13 mai 1716, après les publications et les enchères
au rabais, qui n'ont pas laissé de traces écrites, Joseph Barthes et
Jean Pradel, maîtres tailleurs de pierre de Narbonne, devront
exécuter l'ouvrage sous la direction de Louis Melair, architecte de
Carcassonne, qui en a dressé le plan, le dessin et le devis.
L'inventaire des archives réalisé par Sahuc fait état de documents
dessinés en 1716, aujourd'hui absents du fonds.
Détail d'une stalle de la cathédrale réalisée par Jean-Jacques Melair datée de 1657
Louis Melair, maître sculpteur et architecte, s'était déjà fait
remarquer par l'entreprise de travaux publics pour les États du
Languedoc. Né aux alentours de 1663, il était le fils de Jean-Jacques
Melair, qui avait participé à la réalisation des stalles du chœur avec
son beau-frère, Louis Parant; il était le petit-fils de Jean Melair, ce
menuisier lorrain installé à Carcassonne, qui avait réalisé la
couverture et la charpente du clocher de la cathédrale de Saint-Pons
Une façade sobre
Louis Melair dressa les plans de réédification de la nouvelle
église et imagina une façade très sobre qui s'ouvrait sur une vaste
place autrefois occupée par le chœur primitif et le cimetière.
Continuant l'œuvre de son père, il s'adonna d'abord à la réalisation
de retables en bois doré, à Carcassonne et à Perpignan, puis il
entreprit des travaux pour la couverture des toitures de la Cité, des
réparations aux grands chemins de la Province. En 1720, il dirigera
les travaux de construction d'une porte à l'église du collège des
Jésuites de Carcassonne, assez semblable à celle de Saint-Pons.
Joseph Barthes et Jean Pradel, spécialisés dans la taille de
pierre, entrepreneurs désignés, doivent respecter le long devis
rédigé avec précision et clarté par Louis Melair. Sa transcription
permet de suivre les différentes étapes du chantier d'abord, abattre
« la lanterne » ou enceinte de l'ancien chœur dont les murs
atteignent encore les voûtes des chapelles, démolir l'arc-doubleau et
les arcs-boutants qui s'appuient encore sur la tour de l'horloge ainsi
que les parties voûtées des chapelles pour pouvoir construire le mur
de face. Pour bâtir le tout, les maîtres doivent utiliser toutes les
pierres de taille qu'ils pourront récupérer.
Le mur du fond sera construit en premier afin de préserver la
voûte et le couvert de l'église ; il sera fondé sur un sol ferme, de
préférence du roc que l'on égalisera. Il est vrai que le rocher affleure
presque, ainsi qu'on peut s'en apercevoir dans la chapelle Saint-Jean,
sous le clocher, plus haute que le sol de la nef. Sur une
épaisseur d'un mètre au niveau des fondations, de 0,75 m jusqu'à la
voûte, on bâtira le mur « de pierre rassier montée a mortier de chaux
et sable tiercé » en créant des arrachements avec des quartiers de
grosse pierre tous les mètres. Ensuite, on procédera à la construction
des voûtes dont les piliers devront être fixés sur le roc jusqu'à près
de deux mètres.
Façade classique de la cathédrale, remplaçant le choeur gothique inachevé et ruiné
Au-dessus de la grande porte d'entrée de dix pans de largeur sur
vingt de hauteur, avec ses pilastres et son fronton cintré, on édifiera
une lune, ouverture vitrée et garnie de ses barres de fer. Un
entablement de pierre de taille, une frise, une corniche et une
architrave doivent couronner le mur principal. Sur les côtés du
portail, s'ouvriront deux petites portes en pierre de taille. De nos
jours, la façade est se présente avec une seule ouverture dominée
par une haute fenêtre, identique à celles ouvertes dans les chapelles
Saint-Jean et Saint-Pierre.
Après la construction du mur de façade, Louis Melair
recommande de bâtir les murs de retour sur les chapelles, d'ouvrir
trois fenêtres au midi et d'entourer le nouveau chœur d'un petit mur
de parpaing pour y poser le lambris, de rehausser le sanctuaire de
trois marches de pierre, de déplacer les stalles du chapitre et la
chaire à prêcher. Le sanctuaire et toute l'église profiteront, pour le
pavage, des vieilles dalles en pierre de marbre du pays.
La façade du 18ème siècle
L'architecte tient particulièrement à l'ensemble de boiseries
fermant le chœur «l'on observera de ne rien gaster ny briser en
retablissant les formes et parclozes pour les repozer et placer le tout
bien proprement et solidement fait par bon assemblage».
On comprend pourquoi, lors de la reconstruction partielle de la
cathédrale de Saint-Pons, Louis Melair, architecte, prit soin de
l'ouvrage des chaises du chœur qu'avaient achevé son père, Jean-Jacques,
et son oncle, Louis Parant. D'une manière assez habile, le
travail de 1655 fut respecté, remis en valeur par une nouvelle
disposition et un déplacement, par le rajout de consoles et de
lambris dont on retrouve la sobriété des motifs sur le grand portail.
Il faudrait analyser avec soin chacune des stalles, chacun des
montants, des panneaux sculptés pour repérer les parties anciennes
et certainement constater que la plus grande partie des boiseries du
XVIIe
D’après Jean-Louis H. BONNET «Les Melair-Parant,
artisans carcassonnais du XVIIe
siècle
au service de la cathédrale de Saint-Pons-de-Thomières» Études Héraultaises 1999-2000-2001 n° 30-31-32
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