Saint-Pons-de-Thomières et le Pays Saint-Ponais
Histoire et patrimoine de l'ouest du département de l'Hérault

Les salaires des gentilshommes verriers :

Extrait de : "Les verreries forestières de Moussans" (1450-1890) par Francis de RIOLS de FONCLARE - 1925 (voir le sommaire).
("Les salaires et la vie sociale des gentilshommes verriers")

A l'origine, les gentilshommes verriers formaient plutôt de véritables associations, en vue du partage des bénéfices, proportionnellement à leurs connaissances professionnelles, à leurs travaux, à leurs mises de fonds.
Il n'y avait pas, à proprement parler des salariés et des patrons ; c'était une sorte de communauté, sans classes bien distinctes.

Pour créer une verrerie, il ne fallait pas de grands capitaux ; aussi chaque gentilhomme verrier pouvait espérer devenir propriétaire de la verrerie où il travaillait, et cela contribuait à les rendre économes et prévoyants.
Le combustible leur était en effet souvent concédé dans les forêts royales à un prix annuel fort modique.
Nous avons vu que pour le four vieil de Moussans, Sicard Almoy et ensuite la famille de Riols devaient "paier tous les ans de sansive au Roy notre Sire ou à son clavere du lieu de Menerbe quinze soulz tournois".
En Normandie, au contraire, la plupart des gentilshommes verriers devaient acheter le bois nécessaire au chauffage de leurs fours. Ce qui le prouve, c'est la mention de la somme de 5500 livres par an, dans le compte d'exploitation dressé par M. Le Vaillant de la Fieffe, dans un remarquable ouvrage (Les Verriers de la Normandie).
Nous emprunterons à cet ouvrage, quelques détails sur le taux des salaires payés au 17ème et 18ème siècles aux diverses catégories de gentilshommes verriers.

Notre opinion est, qu'antérieurement aux 17ème et 18ème siècles, il n'existait pas à proprement parler de salariés dans la région Moussanaise. Les verreries de Moussans appartenaient aux familles d'Almoy, aux familles de Riols et ensuite, quelques verreries forestières appartenaient aux de Robert.
Nous avons vu, dans le livre II les liens de parenté et d'alliance existant entre toutes ces familles ; Jamais dans les actes notariés nous n'avons vu aucune allusion à une rémunération quelconque.
Antérieurement au 17ème siècle, la plupart de ces familles étaient devenues protestantes et elles étaient placées de ce fait plus étroitement sous la domination du chef de famille. Cette prédominance du chef de famille existait d'ailleurs dans toute la société.

A l'origine donc, les ateliers familiaux qu'étaient les verreries de Moussans avaient de très grandes analogies avec les communautés taisibles du Moyen-Age C'était une communauté de biens, qui existait entre personnes parentes vivant à pain et à pot dans la même maison sous l'autorité du chef de famille.
Selon les renseignements que nous avons recueillis, la notion de salaire, aux Verreries de Moussans, ne s'est fait jour qu'à la fin du 18ème siècle :

- Pour un gentilhomme directeur : 1500 livres par an.
- Pour un gentilhomme verrier : 1300 livres par an.
- Pour un gentilhomme cueilleur : 800 livres par an.
- Pour un apprenti : 400 livres par an.

Du Journal tenu par Le Vaillant de Charmy, nous extrayons les détails suivants :

En 1743, le cueilleur se payait à raison de quarante sols par jour.
En mai 1750, un ouvrier complet se payait quatre livres par jour, plus quatre vingt livres de vin à la fin de la campagne.
En avril 1756, six livres par jour.
Le salaire variait selon les capacités de chacun ; ce n'était pas, comme de nos jours, où l'idée d'égalité par en bas, poussé à ses limites, fait payer l'incapable comme le bon ouvrier, en vertu du système du tarif unique [!].
En 1812, le prix moyen de la journée de salaire est de 2 francs 50.
En 1867, quatre ouvriers maîtres gagnaient 150 francs par mois ; ils avaient en outre droit au logement et au chauffage. Le salaire des autres ouvriers ayant des capacités moindres était de 70 à 80 francs par mois.

Mentionnons aussi les salaires attribués aux ouvriers non nobles, qui faisaient la fonte et les travaux accessoires :
Le maître tisseur gagnait 12 livres par semaine, plus à la fin de la campagne, une gratification de 150 livres et un chapeau.
Le sous-tiseur 5 livres la semaine, plus 42 livres.
Le tiseur de fonte 4 livres 10 sous la semaine, plus de 12 livres et un chapeau de six livres.
Le tiseur de relais 4 livres 10 sous la semaine et un chapeau. Le tiseur de journée gagnait 4 livres par semaine, et il lui était donné un chapeau de six livres. Ces ouvriers avaient, en outre la nourriture.
Les sommes qui leur étaient versées en sus du salaire hebdomadaire l'étaient à titre de gratification, pour toute la campagne.
Nous avons vu précédemment que le défaut de capitaux avait toujours réduit la plupart des verreries de Moussans à n'avoir qu'un nombre restreint de verriers : six, huit ou dix.

Sans entrer dans de trop longs détails, signalons que, selon leurs travaux, les verriers se subdivisaient en ouvreur, en cueilleur, en broqueurs, ou poseurs d'anse et en souffleurs, avec ou sans moule.
Les menus travaux étaient généralement faits par des garçons d'une dizaine d'années, de famille noble et généralement déjà parents ou alliés des ouvriers qu'ils aidaient. Dans ces conditions, il ne pouvait être question de protection de l'enfance. Les règlements de Sommières sont muets là-dessus."

Suite : La vie sociale

Francis de Riols de Fonclare


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