En 1632, le dernier duc de Montmorency (
Henri II), gouverneur du Languedoc, soutenu par Gaston d'Orléans, frère
du roi,
s'oppose à Louis XIII, qui cherche avec son ministre Richelieu à réduire le pouvoir des grands féodaux.
Richelieu souhaite aussi supprimer certains pouvoirs locaux propres au Languedoc comme les assiettes diocésaines
et diminuer l'influence des Etats du Languedoc : le but du ministre de Louis XIII est de parvenir à une
meilleure perception des impôts.
L'opposition du duc Montmorency reçoit de nombreux soutiens dans la noblesse languedocienne,
et l'appui de quelques grandes villes, comme Béziers, Albi, Alès..
Dans le Minervois, le duc de Montmorency s'appuie sur le
comte François de Rieux (Rieux-Minervois). Ce dernier
dont les possessions s'étendent dans le diocèse de Saint-Pons jusqu'à Ferrals et
La Livinière,
contrôle également
le château de Minerve, dont il est gouverneur. Le comte de Rieux menace donc militairement le Saint-Ponais.
L'évêque de Saint-Pons, Pierre de Fleyres est peut-être un proche de la famille
de Rieux :
il a ainsi présidé aux obsèques du frère aîné du comte en 1608.
Il se doit avant tout de protéger son diocèse des combats, et doit donc nécessairement négocier avec le duc
de Montmorency et
le comte de Rieux son représentant.
Mgr de Fleyres ne semble jamais avoir clairement soutenu la rébellion.
Les délibérations du conseil politique de Saint-Pons montrent qu'il a surtout tenté d'éviter des affrontements
armés à la ville de Saint-Pons et ses environs.
Comme l'indique l'érudit Joseph Sahuc :
"Il est bien certain que le zèle de M. de Fleyres pour le service du roi augmentait à mesure que
le duc de Montmorency s'éloignait du pays".
Ainsi le 9 août 1632, l'évêque de Saint-Pons informe le conseil de la ville qu'il a reçu un courrier du comte de Rieux, réclamant
deux canons. L'évêque oppose un refus prudent à cette demande :
... portant prière de luy faire bailler deux pièces de canon quy sont en la présente ville ... lesdit évesque a dict que
ledit gentilhomme
dudit sieur luy avait dict que ledit sieur comte de Moret s'en voulait servir pour aller assiéger Asilan [Azille] et
Laure qui depuis peu de jours avoient refusé de recevoir quelques troupes de gens de guerre que Monseigneur frère du roi
[Gaston d'Orléans, frère du roi] y avoient envoyées ...
De quoy a esté unaniment délibéré par ledit seigneur et présents consuls qu'on se devait garder de bailler les dits pièces
de canon
ny aucune munition de guerre, mais pour n'aigrir pas ledit seigneur qui pourroit s'offenser dudit refus estant audit
Rieux, proche de 5 lieues de ceste ville, pourroient y envoyer des gens de guerre et incommoder le pays,
ledit seigneur évesque estoit prié de luy faire réponse le plus honestement qu'il advisera.
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Le lendemain, Mgr de Fleyres réunit à nouveau le conseil et indique qu'il a reçu un arrêt du Parlement de Toulouse
(fidèle au roi) défendant d'obéir aux ordonnances du duc de Montmorency.
Le conseil décide à l'unanimité
de se conformer à cet arrêt.
L'évêque indique également s'être rendu à Minerve, à l'invitation du comte de Rieux et accompagné d'une délégation
comprenant
MM. Galibert consul, de La Roque, Gleizes et Solette. Le comte de Rieux leur transmet
l'injonction de préparer la collecte des impositions, les Saint-Ponais demandent du temps pour réfléchir ! :
... l'ordre donné par le duc de Montmorency de venir tenir l'assiète du diocèse et de faire procéder à l'imposition des
deniers de l'octroy [...] et l'avoient
prié de la part dudit seigneur de Montmorency de vouloir faciliter la tenue de la dite assiète.
Sur quoi il [Mgr de Fleyres] lui avoie respondu qu'il lui ferait entendre dans peu de jours son intention et celle du
conseil de ville afin d'avoir le temps de
recevoir des nouvelles de Toulouse, et partant qu'il n'est point d'advis de contrevenir de façon quelconque audit arrest.
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Quelques jours plus tard, à la suite de différentes demandes du comte de Rieux, restées sans réponses,
c'est Gaston d'Orléans, le frère rebelle du roi Louis XIII, qui menace directement l'évêque Mgr de Fleyres et la
ville de Saint-Pons d'une intervention armée :
... ledit seigneur frère du roi voulait s'en revenir en ce pays [avec son armée] pour obliger le peuple à le reconnoistre lui ayant esté assuré que les villes de Saint-Pons et de La Salvetat,
qui appartiennent audit seigneur evesque ne vouloient pas suivre son parti ...
[Gaston d'Orléans lui demande] de venir le saluer à Béziers l'assurant que s'il y alloit, il pourroit obtenir de lui qu'il
ne vint pas dans ce pays [Saint-Pons] avec son armée.
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Devant ces menaces, Mgr de Fleyres est contraint d'aller saluer Gaston d'Orléans;
Il se rend à Béziers avec une
forte délégation des notables de Saint-Pons : Galibert consul,
de La Roque, d'Augier sieur de Ferrières, Guibbal
sieur de Sarrougié, Devic sieur del Fau,
de La Fajolle, Gleizes, Fabre, La Souque et de Verdiguier.
Ils obtiennent que les armées rebelles ne viennent pas à Saint-Pons, à la condition que le diocèse fournisse 5000 cestiers
de froment. En fait, l'évêque promet
seulement de faire la demande à la prochaine assemblée du diocèse : les Saint-Ponais cherchent à gagner du temps, car
ils ont appris que le roi Louis XIII, à la tête de son armée se rapproche du Languedoc pour faire cesser la rebellion.
Le 29 août lors d'une nouvelle réunion du conseil de Saint-Pons, l'évêque explique clairement sa tactique;
il vient de recevoir :
... par un gentilhomme de Mgr le duc de Montmorency, qui le vint trouver au foirail de ladite ville, où il estoit allé à la promenade, lequel lui tendit deux lettres ...
[demandant de tenir l'assemblée du diocèse pour fournir le froment à ses armées].
Il auroit esté répondu par le dit seigneur evesque que s'y en conséquence du voyage qui a esté ci devant fait à Béziers,
par lui et quelques uns des habitants en la dite ville, il déféroit à l'ordre desdits seigneurs, et qu'on députe
à ladite assemblée, tout le monde soupçonnerait que la dite ville de Saint-Pons a promis obéissance à Monseigneur
frère du roi et de la sorte ladite ville passera pour rebelle à Sa Majesté, et d'autant que jusques là il n'a point
été commis d'action qui puisse rendre ladite ville suspecte
au service du roi, et que ledit voyage à Béziers n'a esté fait que pour le saluer et empêcher que ledit sieur frère
du roi ne
vint en la présente ville pour la soumettre à son obéissance ...
il est adverty de bonne part que ledit seigneur avec Monseigneur de Montmorency et toute son armée et les canons
qu'il fait sortir de Béziers s'en va au Haut Languedoc secourir le château de Saint-Félix près
de Toulouse ...
cependant que le roy arrivera dans la province ainsi qu'on vient d'apprendre par le sieur de Feynes qui arriva hier
en ceste ville ...
[il faut toutefois toujours négocier avec le duc de Montmorency] pour ne pas l'aigrir contre le diocèse
veu qu'il n'est pas encore parti d'Olonzac qui en despend ...
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Gaston d'Orléans |
L'attentisme des Saint-Ponais est récompensé car trois jours plus tard, lors de la bataille de Castelnaudary, les
rebelles sont battus : Le comte de Rieux tué au combat, le duc de Montmorency
capturé pour être exécuté plus tard à Toulouse.
C'est la fin de la rebellion languedocienne contre Louis XIII. Le prince Gaston d'Orléans accompagné de la duchesse de
Montmorency
se réfugie
pendant quelques jours à Olonzac : après une étape à Béziers, il "en partit précipitamment aux flambeaux à
quatre heures
du matin, avec la duchesse de Montmorency pour se retirer à Olonzac, dans le diocèse de Saint-Pons".
Gaston d'Orléans, après avoir fait sa soumission à son frère le roi Louis XIII, obtient le mois suivant son pardon.
En revanche, Mgr Pierre de Fleyres est considéré comme un soutien de la rebellion, et exclu des mesures d'amnistie .
Accusé de crime de lèse-majesté il est déféré au tribunal, mais il meurt pendant l'instance en 1633 . Assez curieusement,
ces accusations n'empêchent pas
son neveu Jean-Jacques de Fleyres de lui succéder comme évêque de Saint-Pons.
Une autre conséquence de la défaite de la rébellion est la décision de démanteler le château royal de Minerve (1637): il
avait été utilisé par le comte de Rieux pour contrôler le Minervois.
Les ruines actuelles à Minerve
sont essentiellement celles de ce château, détruit sur ordre du roi Louis XIII ... et assez peu celles d'un "château
cathare". Les tours du château de Rieux-Minervois sont également rasées à leur hauteur actuelle à cette époque,
par ordre royal. La
seigneurie de Rieux perd temporairement son titre de baronnie des Etats du Languedoc.
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