Louis Blazin érudit local et maire d'Olonzac décrit dans son ouvrage
"Le Minervois et la commune d'Olonzac"
le passage de l'étape au 17ème siècle, dans le petit bourg: les régiments royaux séjournent dans la ville, lors de leurs déplacements. La
communauté doit les nourrir, les loger et fournir le fourrage à leurs chevaux. Les soldats commettent de nombreuses exactions : vols, violences et viols.
Pour faire face aux dépenses, la communauté est contrainte de s'endetter et d'attendre les remboursements tardifs des Etats de Languedoc.
"An 1651. [...]
Décembre, 21. — Le régiment de cavalerie du comte de Pardailhan arrive pour séjourner à Olonzac; les consuls prennent
des mesures pour «éviter les oppressions ignobles des soldats» .
On loge trois compagnies, et la 4e compagnie doit aller prendre
ses quartiers à Azillanet. Le commandant de cette compagnie
refuse de se conformer à la ligne d'étape et va s'installer de
force à Oupia; il fait enfoncer la porte du bourg et démolir la
maison des lépreux, qui y était contiguë. Les soldats battent les
bourgeois du lieu, violent les femmes, exigent des sommes énormes et font souffrir aux habitants «mille pilleries».
An 1652. [...]
Novembre, 26. — De passage, six compagnies du régiment de
cavalerie de Gramont. Inutile d'ajouter que ces soudards commettent les mêmes excès que leurs devanciers; ils essaient même
de mettre le feu au quartier Saint-Antoine. Des rixes sanglantes ont lieu entre soldats et habitants.
An 1653. [...]
Février, 3. — Dix-neuf compagnies de cavalerie et d'infanterie, sous les ordres du comte de Beaulieu, logent à Olonzac.
La ville manque de fourrages; une réquisition ordonnée reste
sans effet, et, dès lors, des scènes sauvages surviennent: la vie de
la localité est suspendue; une somme de 10,500 livres est exigée
par les commandants des compagnies et les habitants s'exécutent. Mais le pillage et les excès violents continuent durant les
cinq jours que ces 19 compagnies restent à Olonzac.
Mars, 7. — Sept compagnies de cavalerie des Gardes, commandées par M. de Plessy, arrivent dans la ville, et, comme
toujours, on se bat dans les rues, et les soldats traitent la ville en
pays ennemi et conquis.
Mars, 20. — Six compagnies de cavalerie d'Arçon stationnent à Olonzac. M. Jérôme de Torches, propriétaire à Olonzac,
et «capitaine dans le régiment de la Marine» avance la somme
nécessaire pour les besoins de cette troupe, qui commet quand
même des «excès violents, pillages et autres faicts graves».
Pour le malheur des habitants, une de ces compagnies prend
son quartier d'hiver dans la ville; on paye 7,500 livres à M. de
Piloy «maistre de camp et commandant de cette compagnie».
c'en est trop ; les consuls adressent une plainte au Roi, par l'intermédiaire de leur ami, M. l'évêque de
Saint-Pons.
An 1655. [...]
Monsieur de Gasalide, de Montpellier,qui s'était offert à vouloir
faire exempter Olonzac de l'étape, à lui épargner ainsi les
vexations de la soldatesque, répond le 23 février qu'il a pu obtenir que peut-être Olonzac ne sera à l'avenir que «lieu d'estappe»
pour l'infanterie, Pouzols devant l'étre pour la cavalerie. C'est
tout ce qu'il a pu obtenir.
An 1659. [...]
Décembre, 31. — Huit compagnies du régiment des gardes françaises de 200 hommes chacune passent à Olonzac, lieu d'étape;
M. Roux, syndic général, n'avait porté l'effectif qu'à 160 hommes
par compagnie: le conseil prend néanmoins les mesures nécessaires.
An 1663.
Février,24. — «Messieurs les consuls sont priés de
prandre la peine d'aller voir Monseigneur de Saint-Pons pour le
remercier très humblement du soing qu'il a pris pour nous préserver de l'estappe; c'est une grâce des plus considérables qu'il
rand à nostre communauté».
An 1666. [...]
Juillet 20. — On doit à Pierre Laur, fils de feu Bernard Laur,
marchand de la ville de Narbonue, 6,891 livres pour ce qu'il a fourni en 1657 pour la subsistance des troupes logées à Olonzac
en quartiers d'hiver, intérêts compris depuis cette époque.
An 1685. [...]
Novembre 10. — Olonzac est encore menacé de l'étape ; son
assemblée prend plusieurs délibérations suppliant leur protecteur Monseigneur de Conti de vouloir l'en préserver.
Réponse :
«Messieurs les Consuls d'Olonzac.
Je vous remercie de la part que vous prenés au bonheur de
mon retour. Je vous asseure que je me souviendrai de vos
bonnes intentions dans toutes les occasions qui ce présanteront
de vous faire plaisir. Je verrai ce que je puis faire pour vous
sur ce que vous me demandés et en cette rencontre comme
en toutte autre je vous rendrais tous les bons offices que je
pourrai.
Je suis, Messieurs les Consuls d'Olonzac, votre meilleur ami.
L.-A. de Bourbon.»
Ce protecteur meurt au mois de décembre; un solennel
service de deuil est exécuté dans l'église Notre-Dame le 12 de
ce mois.
An 1685. [...]
Avril 5. — L'assemblée demande au neveu de son ancien
protecteur, le nouveau prince de Conti, d'accorder ses bonnes
grâces aux habitants d'Olonzac, et d'user de sa haute influence
en faveur de la communauté au sujet de l'étape. Réponse du
prince :
«A Chantilly, le 1er avril 1686
Je prie tous Messieurs les Commandans et officiers des
troupes qui passeront par Olonzac de vouloir bien faire en sorte
à ma considération que leurs cavaliers et soldats se contantent
des logements qui leur seront donnés par les consuls de ce bourg
et vivant avec douceur. C'est une terre qui esl particulièrement
sous ma protection. Je serai obligé à ceux qui auront quelque
égard pour ma recommandation et en toutes les occasions ou je
le pourrai je leur donnerai des marques de mon estime et de mon
amitié.
Signé : François-Louis de Bourbon.»
1687. [...]
Supplique nouvelle à M. de Conti; réponse du prince :
«A Versailles, 10 février 1687.
Messieurs les Consuls d'Olonzac, je suis fort satisfait de
l'attachement que vous témoignés pour moy. Je vous donnerai
des marques de ma protection et en toutes les occasions que je
le pourrai et si l'on peut changer l'ordre de l'estappe establie
pour cette année je m'y emploierai avec plaisir à vostre souslagement car je veux que vous soyés persuadés que je suis Messieurs les Consuls d'Olonzac vostre bon ami.
François-Louis de Bourbon.»
1690.
Le 25 mars,les consuls sont informés officiellement qu'Olonzac
ne sera plus lieu d'étape chaque année comme auparavant: cette
nouvelle est accueillie par tous les habitants avec une «joye très
grande, un grand nombre ayant déjà quitté le lieu par le faict
de l'estappe, ne pouvant plus supporter les pilleries et actes
ignosbles des soldats».
"
Le Minervois et la commune d'Olonzac, par Louis Blazin
|
|