Le duc de Montmorency, en repassant en Languedoc, amena
avec lui, de Provence et de Dauphiné, le colonel Alphonse
d'Ornano, le comte de la Roche, les sieurs du Panet et de Gouvernet, et en tout quatre cents reîtres.
Ayant rassemblé son
armée, composée de quatre mille arquebusiers, de six cents reîtres de diverses compagnies de gens d'armes et de chevau-légers
et de mille à onze cents volontaires, il se mit en campagne au
mois d'octobre et s'avança du côté de Minerve, dans le dessein
d'aller au secours de la ville de Carcassonne et de la ravitailler:
le duc de Joyeuse, qui s'était saisi de la plupart des postes des
environs, coupait les vivres à la garnison de cette ville et tâchait
de l'affamer.
Montmorency s'étant porté à Olonzac, Joyeuse vint poser son
camp à Azille, dans la résolution de livrer bataille aux royalistes;
mais, comme la peur s'empara de la cavalerie espagnole et du
régiment espagnol commandé par Francesco d'Armengal, qui,
voyant qu'on se disposait au combat, prirent la fuite et firent dix
lieues sans s'arrêter, Joyeuse changea de dessein.
Le comte de Lodron, colonel des lansquenets, indigné de la
fuite des Espagnols, voulait néanmoins livrer bataille ; mais
Joyeuse ne jugea pas à propos de la hasarder et se contenta de
se tenir dans son camp pour s'opposer au passage de Montmorency.
Ce dernier prit alors le parti, pour faire diversion et engager
Joyeuse à quitter son camp, d'assiéger quelques lieux des environs qui tenaient pour les ligueurs et mit notamment le siège
devant Àzillanet, où il y avait deux cents hommes de garnison.
Joyeuse se mit aussitôt en marche pour aller au secours des
assiégés; mais il fut arrêté à Cesseras par les troupes du colonel
d'Ornano, qui était logé dans ce village, et qui avait posté cinq
cents arquebusiers dans une église située de l'autre côté du
chemin d'Azillanet à Cesseras (Saint-Salvy).
Montmorency, averti de la marche de Joyeuse, ne laissa que
mille arquebusiers pour la continuation du siège d'Azillanet, vint
avec le reste de ses troupes au devant de ce général et les mit
en bataille. Joyeuse, de son côté, voyant qu'il fallait combattre
s'il voulait passer, rangea les siennes, mit les lansquenets dans
le centre et les fit soutenir à droite et à gauche par un régiment
d'infanterie française de chaque côté. Son aile droite fut composée de la compagnie commandée par d'Hauterive et par celle
de Montbéraud, qu'il soutenait, deux cents pas après, avec les
volontaires et les compagnies d'Honous et du comte de Carmaing ; le baron d'Ambres, frère puîné du seigneur d'Ambres,
fut chargé de porter la cornette blanche. Enfin Cornusson et
Pordéac commandaient l'aile gauche, avec leurs compagnies,
soutenus par d'Ambres, Clermont de Lodève et la Courtéte avec
les leurs.
Les troupes du colonel Alphonse, qui commandait l'avant-garde des royalistes, vinrent les premières à la charge et furent
fort bien reçues par l'infanterie de Joyeuse ; mais les arquebusiers qui étaient dans l'église, mirent le désordre par le feu de
leur mousqueterie, dans les deux compagnies de Cornusson et
de Pordéac.
Sous le coup de la surprise, qui mit le désordre dans l'aile
gauche des ligueurs, les royalistes s'élancent : les ligueurs soutiennent bravement le choc; un combat meurtrier et corps à
corps s'engage sur toute la ligne, et pendant trois heures on se
bat de part et d'autre avec acharnement. Les chefs sont là, soutenant les courages, les cadavres s'entassent et les rangs s'éclair-
cissent.
Mais il est déjà nuit, et Joyeuse, voyant qu'il n'était pas possible de forcer le passage, fait sonner la retraite et en bon ordre
se retire.
A huit heures du soir, le lieu d'Azillanet capitula; Joyeuse le
lendemain s'en retourna vers Carcassonne.
Le duc de Montmorency retourna de son côté à Olonzac, où les
pluies qui survinrent l'obligèrent de séjourner une douzaine de
jours ; il consomma tous les vivres qu'il avait destinés au ravitaillement de Carcassonne, en sorte qu'il ne lui fut pas possible de
marcher au secours de cette ville, qui dut capituler quelque temps après.
Les hostilités cessèrent pendant l'hiver de 1591-1592; au
printemps, on recommença bien la lutte ; mais les populations
ruinées, affamées, ne soutinrent pas l'ardeur des chefs et servirent mal leur ambition. On guerroya, on augmenta encore
l'amoncellement des ruines de ci de là, mais aucun fait de guerre
digne d'être relaté ne survint dans le pays : la bataille d'Azillanet-Cesseras est le dernier acte important de tuerie.
Il est vrai
que le chef des royalistes, le protestant Henri de Navarre, est
de par le Parlement officieusement reconnu comme roi de France.
[...]
Dans le pays de Minervois, les armées ont conservé leurs
positions : Olonzac pour Montmorency, Azille pour Joyeuse, sont
le centre des lignes des deux partis .
Le Minervois et la commune d'Olonzac, par Louis Blazin