Olonzac, durant ces vingt dernières
années, a repris son ancienne prospérité : les libertés qui s'attachent à son nom, la fertilité de ses terrains et aussi la sûreté de
la place forte attirent dans ses murs de nouveaux citoyens. C'est
maintenant une ville de 2,500 babitants, de 500 feux, le point le
plus important et le plus fort de Carcassonne à Béziers, de tout le
Minervois.
Sa situation stratégique entre ces deux places, le rôle important
qu'il a joué pendant les guerres de religion et la Ligue, centre
d'opération de l'armée en même temps que sentinelle avancée
des royalistes, les ressources considérables qu'il renferme, vont
encore lui attirer les horreurs de la guerre.
Les protestants, à la faveur des troubles civils, s'agitent en
France, et Louis XIII marcbe contre eux : il est repoussé au siège
de Montauban. Ce succès donne l'offensive aux huguenots et,
comme une proie indispensable pour eux, ils préparent dans les
vallons de Castres et de Saint-Amans une expédition contre
Olonzac et le conseil d'Olonzac le 5 juillet délibère paisiblement.....
Cette proie indispensable n'est pas considérée comme facile à
enlever : ils réunissent une armée de 5,000 bommes, et sous la
conduite de M .de Rohan en personne, frère de Soubise et gendre
de Sully, à nuit close et rapidement, ils descendent le 11 juillet
des hauteurs de la Montagne Noire. Ils croient surprendre Olonzac
et, quoique nombreux, une véritable armée pour l'époque, comptent surtout sur la surprise, sur la rapidité de l'attaque pour
triompher de la vaillance des habitants, qui, libres depuis deux
siècles, sont courageux et redoutables.
Mais la surprise est éventée : un charbonnier de l'Espinouse,
arrivé pendant la nuit à Olonzac, prévient les consuls du danger
que court la ville. Un appel aux armes est aussitôt sonné : la
vanne de la chaussée d'Ognon est levée; les eaux, alors toujours
abondantes, se précipitent dans le canal d'amenée, et bientôt les
fossés sont pleins. Tout le monde court à son poste, les consuls,
le lieutenant royal, les membres de l'assemblée communale ;
tous en ordre et silencieusement s'échelonnent sur la crête des
remparts.
A l'aube, l'armée des huguenots s'avance.
Après avoir laissé sur le mamelon de la Gasque une faible
partie de ses troupes, chargée de la garde des impedimenta, M. de
Rohan rapidement donne à ses officiers ses ordres d'attaque : les
5000 religionnaires, comme un éventail circulaire, se déroulent
autour d'Olonzac.
Grande et désagréable fut la surprise de M.de Rohan en voyant
les fossés pleins d'eau, les ponts-levis levés et les remparts garnis
de défenseurs. Il fait avancer d'abord ses pétards (canons) et ses
arquebusiers : l'œuvre de destruction commence; mais les solides
murailles ne sont pas entamées, et les Olonzagais ripostent coup
pour coup.
Voyant les inutiles effets produits par la canonnade et la mousqueterie, comptant sur le nombre de ses soldats, sur leur ardeur
à la lutte, sur le fanatisme aussi de ses montagnards, M. de
Rohan commande l'assaut. Les huguenots, sous le feu meurtrier
des assiégés, se précipitent dans les fossés, les passent à la nage
et dressent les échelles contre les remparts. Vains efforts : la
courageuse population rend stérile la valeur des assaillants.
Entière elle est là, cette population d'Olonzac, défendant ses
foyers et ses libertés. Avec acharnement elle répond à l'envahisseur: ses consuls, ses syndics au premier rang, raniment les courages, excitent à la
résistance. Pendant cinq heures, des deux
côtés on tue. La vaillance des assiégeants n'a d'égale que la
ténacité des assiégés. Il n'y a pas de point faible.
Ce n'est plus une surprise, c'est un siège on règle qu'il va
falloir entreprendre, et M.de Rohan, en pays ennemi, n'a rien à
cet effet. Il fait sonner la retraite. Excités par la lutte, les habitants d'Olonzac, dans une sortie furieuse, se précipitent immédiatement en dehors
de l'enceinte de la ville à la poursuite de leurs
ennemis. Les échelles, les pétards, les morts sont abandonnés
parles huguenots, qui, en foule, serrés de près, fuient dans toutes
les directions.
Les soldats chargés de la garde des impedimenta se sont
retranchés, pendant l'assaut, sur le mamelon de la Gasque. Ils ne
résistent pas à la poussée des Olonzagais, et bientôt l'armée tout
entière de M. de Rohan, ayant abandonné tout ce qu'elle traînait
à sa suite, se fond dans la plaine et en désordre regagne les
vallons de Saint-Amans .
La charte de 1673 relate ainsi ce siège mémorable : "Sans les
dits fossés et murailles, ledit lieu aurait esté pris par les Religionnaires, qui firent diverses attaques, notamant le doutziesme
juillet mil six cens vingt, qui, avec une armée de cinq mille
hommes, venans des vallons de Sainct Amans et Castres, attacquèrent ledit lieu au point du jour, et par la seule force des habitans
furent respoussés abandonnant les morts, eschelles et petards".
Quelques jours après l'assaut, une croix fut élevée en grande
cérémonie sur le mamelon de la Gasque, et, le 12 juillet de chaque
année en procession imposante, tous les habitants iront célébrer
la mémoire de la défaite de M. de Rohan. Cette croix, appelée croix
des huguenots, fut plus tard enlevée et placée à la rencontre
du chemin de Pépieux et du chemin de Siran, où elle est encore.
Par ordre royal, M. de Montmorency est envoyé à Olonzac
avec sa compagnie de gens d'armes pour y tenir garnison et
mettre ainsi cette place à l'abri d'un coup de main, d'une surprise semblable à celle du 12 juillet. La délibération du 12 août
1620 confirme le fait et dit que les consuls pourvoiront au
logement et à tous les besoins des soldats de Montmorency, qui
feront la garde jour et nuit. Ils arrêtent de plus que la garde
civique devra à Montmorency fidélité et obéissance.
On répara solidement, sans retard, les fossés, les remparts, et
on attendit une nouvelle incursion des huguenots. Mais la leçon
donnée le 12 juillet 1620 fut profitable, et aucune autre attaque
n'eut lieu.
La prise de la Rochelle par Richelieu et l'expédition dirigée
dans les Cévennes contre ce même M. de Rohan, terminée par
le traité d'Alais (1629) décidèrent du sort du parti protestant en
France, qui perdit désormais toute importance politique.
Le Minervois et la commune d'Olonzac, par Louis Blazin