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La famille de Portes est originaire du Dauphiné. Elle vint s'établir en Languedoc au commencement du XVIIe siècle et s'y ramifia en deux branches, l'une catholique et l'autre réformée [...]
La branche protestante, réfugiée en Suisse depuis la fin du XVIIe siècle, se consacra à la carrière militaire et fournit des officiers remarquables aux armées de Sardaigne, de France, d'Angleterre et de Hollande. Jacques de Portes, petit-fils de Denis, quitta la France à la suite des persécutions provoquées par la révocation de l'Edit de Nantes, vint à Lausanne et obtint du gouvernement de Berne des lettres de naturalisation pour lui et sa famille. Le 24 mai 1701, il acheta une maison de la rue du Bourg qui devint plus tard la propriété de la famille Mestral, et alla ensuite habiter Vevey où il mourut en 1707. 
Son fils aîné, le général Jean-Louis de Portes naquit à Castres en 1666 et commença par servir dans une compagnie de cadets gentilshommes. Breveté capitaine le 7 septembre 1690, il obtint de Louis XIV une compagnie dans le régiment Dauphin-infanterie. Il épousa, en 1693, à Castres sa cousine germaine Mlle Marguerite du Poncet, qu'il avait fait sortir d'un couvent, et la
conduisit à Lausanne auprès de ses parents. En 1703, il entra au service du duc Amédée de Savoie et leva un régiment qui se distingua au siège et à la bataille de Turin. Jean-Louis de Portes fut nommé général de bataille le 6 mars 1711, feldmaréchal-lieutenant le 6 novembre 1719. Après les campagnes de Sicile, où il avait commandé l'armée de son maître combinée avec celle de l'Empereur sous les ordres du général de Mercy, il fut chargé de prendre possession du royaume de Sardaigne en vertu des lettres patentes du 16 juillet 1720, et il le reçut des mains du prince Ottaiano de Médicis, commissaire du pape. En 1722, le roi voulant reconnaître ses services, érigea en Comté la Seigneurie de Veyrier-sous-Salèves, que de Portes avait acheté au marquis de Cluses, et quoique cette terre ait été ensuite aliénée, le titre en est resté à la famille, en vertu de la teneur des lettres patentes qui portent: "Voulons et nous plaît que le dit général de Portes et ses successeurs jouissent de tous les honneurs, privilèges, rang, dignités, qualités, prérogatives, prééminences et tous les droits quelconques, dont jouissent les autres comtes de nos Etats". Quelques années après, le général de Portes fut nommé gouverneur des villes et provinces d'Alexandrie, Casal, Valence et Acqui. Il fut élevé à la dignité de général d'artillerie par lettres patentes du 22 septembre 1731.
Au mois de septembre 1733, il reçut l'ordre de se rendre à Turin pour prendre le commandement de l'armée.[...]
Lorsque la guerre fut déclarée, une intrigue de cour parvint [l']écarter du commandement suprême [...], il partit de Turin mécontent et se retira sur ses terres de Suisse.
Il avait épousé en secondes noces Mlle Marguerite de Budé, femme distinguée, qui enveloppa de charme le soir de sa vie. Le général Jean-Louis de Portes mourut à Genève en 1739, et fut inhumé dans l'église de Crassier, où l'inscription gravée sur son épitaphe rappelle en termes d'une éloquante sobriété les principales étapes de sa carrière. Son portrait conservé au Bois d'Ely près de Crassier le représente revêtu de sa cuirasse dorée; sous les traits mâles du soldat, on devine une nature sensible et bonne, un caractère élevé, une fine intelligence.

Son frère puîné Jean, qu'on nommait M. de Camanès, débuta en France comme enseigne au régiment de Miremont; il s'engaga ensuite dans l'armée anglaise et devint capitaine au régiment de Galloway. Lieutenant-colonel du régiment de son frère au service du duc de Savoie, il fut tué d'un boulet de canon à la bataille de Turin en 1706.

Le général Jean-Louis de Portes eut de son premier mariage un fils Jacques Louis appelé M. de Coinsins. né à Lausanne en 1699, Jacques Louis fut admis au régiment de son père avec le grade de major, se distingua dans les guerres d'Italie et mourut à Alexandrie (Piémont) en 1732.
Château de Coinsins, bâti par Jean-Louis de Portes
C'était un homme d'esprit et de grand talent dont l'éducation avait été particulièrement soignée. Sa correspondance révèle un caractère passionné et fait allusion à une jeunesse orageuse. La vivacité de ses passions - dit une chronique de famille - causa probablement sa fin prématurée.

De son second mariage avec Mlle de Budé, le général de Portes eut une fille, Mme de Pelissary de Draguignan, et quatre fils dont deux mouruent jeunes.
Louis, né en 1718, servit pendant quelque temps comme cadet dans le régiment de son père. Puis il entra en qualité d'enseigne dans le régiment français La Cour au Chantre et y gagna les épaulettes de major. Il fit avec distinction les campagnes des Pays-Bas jusqu'à la conclusion de la paix, assista aux sièges de Nieuport et Ostende, Namur, Berg-op-Zoom, aux batailles de Lawfeld et Rocoux dans lesquelles les Français commandés par le maréchal de Saxe mirent en fuite les Alliés. Ayant constaté dans les régiments suisses plusieurs abus, il présenta à leur colonel général, le prince de Dombes, un mémoire qui ne fut pas accepté comme espéré. A la suite de cet échec, il donna sa démission et passa au service des Pays-Bas. Là, de Portes fut nommé colonel commandant du régiment de Flodorp en 1749, chambellan du prince d'Orange en 1750.
Vente de la seigneurie de Genolier, par Louis de Portes "Seigneur Collonel De Portes"
Peu après, il eut le malheur de perdre à la fois le prince qui l'honorait d'une bienveillance particulière, et son ami le comte Flodorp Waitensleben, dont le régiment lui avait été promis [...]. Il obtint de la princesse régente un congé illimité en 1753 et alla vivre dans ses terres en Suisse
[...] nous ne ferons pas ici l'histoire des procès longs et dispendieux que de Portes eut à soutenir contre la République de Berne.[...] Cependant les frais de ces procès l'obligèrent à vendre ses terres situées dans le pays de Vaud. Exilé, il se retira dans le canton de Genève et mourut à Versoix en 1789.

Le frère du comte Louis de Portes, Guillaume-Bernard, né en 1721, entra à l'âge de dix-huit ans au service de Sardaigne. Il fit avec distinction les campagnes qui suivirent son entrée dans l'armée et obtint le brevet de capitaine en 1743. Grièvement blessé à la Bataille de Coni en 1745, ce remarquable officier fut obligé de quitter l'armée. le roi lui accorda une pension et le maintien de son rang au cas où sa santé lui permettrait de servir encore. [...]
Le général Jean-Louis de Portes avait légué à sa femme Mme de Portes de Budé, la seigneurie de Coinsins, à son fils aîné Louis celle de Genolier et à Guillaume-Bernard la terre de Crassier.
Domaine du Bois d'Ely, à Crassier, propriété de la famille de Portes
C'est là dans ce paisible coin de pays, près de la frontière française, que vint s'établir ce dernier après avoir renoncé à sa carrière militaire.
M. de Crassier - on le nommait ainsi pour le distinguer de son frère - épousa en 1746, Mlle Madeleine Bertrand. Issue d'une famille noble du Languedoc, qui s'était réfugiée à Genève après la révocation de l'édit de Nantes [...].

Guillaume, fils aîné de M. et Mme de Crassier, naquit à Genève le 22 mai 1750. Il appartient au XVIIIe siècle, et si sa longue vie lui réserva un rôle politique sous l'Empire et les gouvernements qui succédèrent à ce régime, ce fut toujours en homme de son siècle qu'il apprécia les évènements.[...]
La paroisse de Crassier était desservie par le pasteur Curchod, dont la fille devait épouser un jour M.Necker, le célèbre homme d'Etat. Dans ce temps-là, les relations entre le châtelain et le pasteur d'un village étaient étroites. M. de Crassier les mit à profit et chargea M. Curchod de l'instruction de ses fils pendant leurs séjours à la campagne. Le vénérable prédicateur prenait sa tâche à coeur et continuait à suivre ses élèves après leur entrée en ville. A l'âge de dix ans, Guillaume fréquentait le collège de Genève.[...] Préparé ainsi à sa carrière par de sérieuses études, Guillaume entra à l'âge de treize ans au régiment de son oncle le général de Buddé-Montfort, en qualité d'enseigne et ne tarda pas à y faire valoir ses talents .[...] Lieutenant le 29 novembre 1765, Guillaume de Portes passe au service des Etats de Hollande, encouragé sans doute pas son oncle le général Louis de Portes.
[ ... le pasteur de Crassier M. Curchod mourut en 1760 laissant son épouse et sa fille sous la tutelle de Guillaume-Bernard de Portes]. La jeune orpheline menait une vie retirée lorsqu'en 1764, elle fut demandée en mariage par le très riche banquier Necker. Elle donna son consentement, à la condition que M. De Portes approuverait cette union.
Du fond de la Hollande, où il servait comme lieutenant dans le régiment de Saxe-Gotha, Guillaume de Portes venait une fois tous les ans, voir ses parents et passait souvent par Paris, où il ne manquait pas de rendre visite à M. et Mme Necker.
Outre les Necker, Guillaume avait à Paris plusieurs relations qu'il cultivait avec plaisir, les de Vilette, de Varicourt, de Divonne et ses cousins de Portes de la branche française; qui fréquentait Paris, tout en résidant généralement à Toulouse.
Le marquis de Portes, chef de cette branche, venait d'acheter la charge de Sénéchal de Toulouse, "c'est le chef de la noblesse" dit Mme de Portes, "place considérable, et pour laquelle il faut faire des preuves. Il fait faire sa généalogie, et est actuellement à la recherche de tous les titres de famille; il remonte à deux cent cinquante ans bien suivis. Il en enverra une copie en forme à ses chers cousins". [... Lors du conflit entre la Hollande, l'une des sept provinces des Pays-Bas contre le prince d'Orange en 1787, Guillaume de Portes
est nommé colonel et lève un régiment hollandais qui défend Amstelveen, près d'Amsterdam. La province de Hollande battue, l'édit de tolérance de 1787, libérateur pour les protestants lui permet de s'installer en France, solliciter un grade dans les armées de Louis XVI. La Révolution de 1789 le fait revenir en Suisse, où il épouse en 1806 Sophie Rilliet, petite-nièce de Necker. Guillaume meurt accidentellement en 1823. Sa fille Elisabeth, la dernière de la branche suisse des Portes est décédée à 103 ans, en 1914.]"
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